La confrérie irlandaise «Fenian Brotherhood» 1858-1871

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Militairement conquis par l’Angleterre depuis le XVIIe siècle, deux millions de catholiques irlandais demeurent toujours fidèle à la lutte d’indépendance, malgré un exil forcé aux États-Unis par la famine de la pomme de terre et l’oppression britannique en 1840. En 1858, une confrérie secrète irlandaise, la «Fenian Brotherhood», voit le jour de la Saint Patrick à New York, pour faire la guerre à l’Angleterre. Les colonies britanniques du Canada vont vivre dans la crainte des Fenians jusqu’en 1871.

Le nom anglais Fenian vient du gaélique Fianna, nom celtique des légendaires chevaliers errants qui défendaient le royaume d’Irlande au IIIe siècle après J.C. Entre 1866 et 1871, les Fenians organiseront plusieurs attaques contre l’Empire britannique d’Amérique du Nord, dont l’assassinat du député fédéral Thomas d’Arcy McGee à Ottawa en 1868. Louis Riel protégera le Manitoba contre la dernière attaque des Fenians en 1871.

Le Green Flag irlandais à Frelighsburg en juin 1866

Bien entraînés après la guerre de Sécession entre 1861 et 1865, de nombreux soldats américains d’origine irlandaise vont rallier le mouvement Fenian pour envahir le Canada. Profitant d’un laxisme du gouvernement américain à leur égard, les troupes Fenians de l’Irish Republican Army franchissent les frontières canadiennes, en Ontario, au Nouveau Brunswick, en Nouvelle Écosse et au Québec début juin 1866.

250 Fenians du général Samuel Spear plantent le Green Flag irlandais à Frelighsburg, sans rencontrer aucune résistance pendant trois jours. Après plusieurs pillages sur des fermes alentours, les Fenians sont chassés par des soldats réguliers venus de Montréal. Dix-sept sont faits prisonniers et échappent au lynchage par la population à Sweetburg (Cowansville).Quelques jours plus tard, une Frelighsbourgeoise de 71 ans, Margaret Vincent, est abattue par erreur par un soldat du Royal fusiliers britannique. Une pierre tombale blanche indique toujours l’emplacement sur le chemin de Eccles Hill, depuis le 10 juin 1866.

La tragique bataille d’Eccles Hill du 25 mai 1870

Le 25 mai 1870, une seconde invasion Fenian est commandée par le colonel John O’Neill, qui avait battu les troupes britanniques à Ridgeway en Ontario le 02 juin 1866.C’est avec 2000 volontaires Fenians, que O’Neill veut repasser la frontière vers Frelighsburg, en profitant de l’anniversaire de la Reine Victoria du 24 mai, pour surprendre les troupes britanniques paradant à Montréal.

De son côté, le gouvernement d’Ottawa est informé de cette invasion grâce aux services secrets britanniques qui ont infiltré l’État major irlandais avec un médecin français Henri Le Caron, en réalité l’espion anglais Thomas Billis Beach.

Dans le Canton de Dunham, des habitants locaux se sont rassemblés autour d’Asa Westover et William TenEyck de Dunham, pour créer une milice de défense armée. Après les pillages Fenians et l’inaction du gouvernement en juin 1866,  cette Home Guard composée de loyalistes va se former, s’armer et attendre le retour des envahisseurs Yankee irlandais. Cette milice portra le nom de Red Sashes, Les Écharpes Rouges, symbole de leur signe de reconnaissance, le ruban rouge qui ceint la poitrine des officiers britanniques en campagne.

Le 25 mai 1870, Asa Westover est informé par son réseau d’informateur installé chez ses voisins américains du Vermont, que plusieurs bandes armées Fenianes se regroupent dans la ville de Franklin. Grâce à un Red Sashes originaire de cette ville, S.N Hunter, qui suit le déplacement des Fenians, Westover sait que les Irlandais reviennent à Frelighsburg en passant par le chemin frontalier de Eccles Hill. Après avoir télégraphié la nouvelle à Montréal, il réunit ses hommes et se prépare à combattre l’invasion.

Embusqués au point de passage frontalier d’Eccles Hill, 37 volontaires Red Sashes engagent une violente fusillade contre les 400 premiers  insurgés irlandais . Les échanges de tirs sont nombreux et deux Fenians, John Rowe et M. O’Brien, sont tués sur place. Une quarantaine d’irlandais sont blessés grièvement. En plein combat, John O’Neill est arrêté par le US Marshall du Vermont venu interdire le projet Fenian.

Motivés par leur réussite et le renfort d’un petit détachement de volontaires du 60e bataillon canadien des volontaires du comté de Missisquoi, les Red Sashes vont contraindre les Fenians à abandonner leur projet d’invasion, en capturant  leur canon obusier de campagne en plein combat, aujourd’hui conservé sur le site même. En fin de journée, les miliciens reçoivent le renfort militaire du prince Arthur, fils de la Reine Victoria, présent à Montréal. Seul un monument érigé en 1902 par la Société d’Histoire Missisquoi sur  Eccles Hill garde en mémoire cette étrange tragédie.

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